LE BUT DE L'EVANGILE
Par Watchman Nee

Tiré de « La Vie Chrétienne Normale » disponible en anglais
http://www.ccel.org/ccel/nee/normal.html

Pour notre dernier chapitre, nous prendrons comme point de départ un épisode qui a été repris dans l'Evangile et qui se passe à l'ombre même de la Croix - un épisode qui dans ses détails est à la fois historique et prophétique. « Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une femme entra, pendant qu'il se trouvait à table. Elle tenait un vase d'albâtre, qui renfermait un parfum de nard pur de grand prix; et, ayant rompu le vase, elle répandit le parfum sur la tête de Jésus. Mais Jésus dit: Ne la troublez pas. Pourquoi lui faites-vous de la peine? Elle a fait une bonne action à mon égard; Je vous le dis en vérité, partout où la bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu'elle a fait. » (Marc 14:3,6,9)

Le Seigneur a donc désiré que l'histoire de Marie, L'oignant avec un parfum de grande valeur, accompagne pour toujours la proclamation de l'Evangile; ce que Marie a fait devra toujours être associé à ce que Jésus a fait. Ce sont Ses propres paroles. Que veut-Il nous faire comprendre par là?

Je pense que nous connaissons tous bien le récit de ce qu'a fait Marie... D'après les détails qui nous sont donnés dans le chapitre 12 de Jean, où cet incident suit de prêt le retour à la vie de son frère, nous pouvons en déduire que la famille n'était pas spécialement riche. Les soeurs s'occupaient elles-mêmes des corvées ménagères, car on nous dit que lors de ce souper, « Marthe servait » (Jean 12:2 à comparer avec Luc 10:40(1) ). Il ne fait aucun doute qu'ils comptaient chaque sou. Pourtant, l'une des deux soeurs, Marie, qui possédait un vase d'albâtre contenant du parfum d'une valeur de 300 deniers, le versa entièrement sur le Seigneur. Le raisonnement humain dirait que c'était vraiment exagéré: c'était donner au Seigneur plus que ce qu'on Lui devait. C'est pourquoi Judas, appuyé par les autres disciples, a pris les devants pour manifester sa réprobation, en disant que ce que Marie avait fait était du gaspillage.

GASPILLAGE

« Quelques-uns exprimèrent entre eux leur indignation: A quoi bon perdre ce parfum? On aurait pu le vendre plus de trois cents deniers, et les donner aux pauvres. Et ils s'irritaient contre cette femme » (Marc 14:4,5). Cette parole nous emmène à ce que je crois être la pensée du Seigneur pour conclure notre méditation, c'est-à-dire la signification de ce mot gaspillage.

Qu'est-ce que le gaspillage? Gaspiller signifie, entre autres choses, donner davantage que nécessaire. Si un euro est suffisant et que vous donnez dix euros, c'est du gaspillage. Si deux grammes suffisent et que vous donnez un kilogramme, c'est du gaspillage. Si trois jours suffisent pour terminer une tâche, et que vous y passez cinq jours ou une semaine, c'est du gaspillage. Le gaspillage signifie que vous donnez plus que la valeur de la chose. Si quelqu'un reçoit davantage que ce qu'il mérite, c'est du gaspillage.

Mais rappelez-vous, nous considérons ici une chose, l'acte de Marie, dont le Seigneur a dit qu'il accompagnerait l'Evangile, partout où il serait apporté. Pourquoi? Parce qu'Il veut que la prédication de l'Evangile produise quelque chose de semblable à ce qu'a fait Marie ici, c'est-à-dire, des gens venant à Lui , pour se « gaspiller pour Lui ». C'est le résultat recherché.

Nous devons examiner cette question du « gaspillage pour le Seigneur » sous deux angles: celui de Judas (Jean 12:4-6) et celui des autres disciples (Matthieu 26:8,9); et dans ce but, nous regarderons aussi les récits parallèles.

Tous les douze disciples considéraient l'acte de Marie comme du gaspillage. Pour Judas évidemment, qui n'avait jamais appelé Jésus « Seigneur, tout ce qui était versé sur Jésus était du gaspillage. Non seulement le parfum était du gaspillage, mails l'eau l'aurait été aussi. Judas représente ici le monde. Dans l'esprit du monde, le service pour le Seigneur, et le fait de se donner nous-mêmes à Lui pour Le servir, est du pur gaspillage. Il n'a jamais été aimé, et n'a jamais eu de place dans le coeur du monde, donc chaque don qui Lui est fait est du gaspillage. Nombreux sont ceux qui disent: « Un tel ou un tel pourrait faire de bonnes choses pour le monde, si seulement il n'était pas chrétien! » Lorsqu'un homme a des dons naturels ou des capacités, aux yeux du monde, on considère qu'il est bien dommage qu'il serve le Seigneur. On pense que de telles personnes sont vraiment trop bien pour le Seigneur. Ils disent que « c'est une vie gâchée qui aurait pu être utile ».

Laissez-moi partager avec vous un témoignage personnel. En 1929, je suis revenu de Shanghai dans mon village de Foochow. Un jour que je me promenais dans la rue, appuyé sur ma canne, affaibli et en mauvaise santé, je rencontrai un de mes anciens professeurs d'université. Il m'emmena dans un salon de thé, et nous nous y assîmes ensemble. Il me scruta de la tête aux pieds puis des pieds à la tête et finit par déclarer: « Ecoutez-moi, pendant vos années d'étude, nous pensions beaucoup de bien de vous, et nous espérions que vous alliez réaliser de grandes choses. Allez-vous me dire que c'est ce qui vous est arrivé? » Il me posa cette question en me regardant d'un air perçant. Je dois confesser qu'en entendant cela, mon premier désir fut de m'effondrer en pleurs. Ma carrière, ma santé, tout était parti, et j'étais devant mon ancien professeur, qui m'avait enseigné le droit à l'école, qui me demandait: « Etes-vous encore au même point, sans aucun succès, aucun progrès, sans rien à montrer? »

Mais l'instant d'après - et je dois admettre que ce fut la première fois de ma vie-, j'ai vraiment compris ce que signifiait avoir « l'Esprit de gloire » reposant sur moi - la pensée de pouvoir répandre ma vie pour le Seigneur remplit mon âme de gloire. Ce n'était rien moins que l'Esprit de gloire qui reposait sur moi. Je pus alors relever les yeux et dire sans l'ombre d'un doute, « Seigneur je Te loue! C'est la meilleure chose que j'ai pu faire, j'ai fait le bon choix! » Pour mon professeur, servir le Seigneur semblait être un gâchis, mais c'est bien le but de l'évangile - nous amener une juste appréciation de Sa valeur.

Judas pensait que c'était du gâchis. « Nous aurions pu faire mieux avec cette argent en l'utilisant d'une autre façon. Il y a beaucoup de pauvres. Pourquoi ne pas plutôt le donner à une oeuvre de charité, ou au profit d'une oeuvre sociale, pour aider les pauvres d'une façon pratique? Pourquoi fallait-il le répandre aux pieds de Jésus? » (cf. Jean 12:4-6). Le monde raisonne toujours de cette façon. « Ne pouvez-vous pas trouver une meilleure façon d'utiliser votre vie? Ne pouvez-vous pas faire quelque chose de mieux que cela? Tu as un peu trop loin en te donnant entièrement au Seigneur! »

Mais si le Seigneur en est digne, comment cela pourrait-il être un gâchis? Il est digne d'être servi. Il est digne que je sois Son prisonnier. Il est digne que je vive pour Lui. Il en est digne! Ce que le monde en dit n'est pas important. Le Seigneur dit: « Ne la troublez pas ». Alors ne soyons pas troublés. Les hommes peuvent bien dire ce qu'ils veulent, nous nous appuyons sur la parole du Seigneur, «Elle a fait une bonne action » Toute oeuvre véritable n'est pas faîte pour les pauvres, toute bonne oeuvre est faîte pour Moi. ». Lorsque nos yeux ont été ouverts sur la valeur immense du Seigneur Jésus, rien n'est trop bon pour lui.

Mais je ne veux pas trop m'attarder sur Judas. Considérons aussi l'attitude des autres disciples, parce que leurs réactions nous affectent davantage que celle de Judas. Nous ne prêtons pas vraiment attention à ce que dit le monde; nous pouvons accepter cela, mais nous prêtons une grande attention à ce que les autres chrétiens disent, car ils sont censés nous comprendre. Pourtant nous remarquons qu'ils disent la même chose que Judas; et non seulement ils le disent, mais ils sont vraiment fâchés et indignés. « Les disciples, voyant cela, s'indignèrent, et dirent: A quoi bon cette perte? On aurait pu vendre ce parfum très cher, et en donner le prix aux pauvres » (Matt. 26:8-9).

Nous savons bien sur qu'il y a attitude de coeur très courante parmi les chrétiens, qui pensent: « Essayons d'obtenir le maximum de résultat avec le minimum de moyen. » Ce n'est pourtant pas ce qui est vue ici, il y a quelque chose de plus profond. Laissez-moi illustrer cela. Est-ce que quelqu'un vous a déjà dit que vous perdez votre temps à rester assis et à ne pas en faire davantage? Ils disent, « Il y a ici des personnes qui pourraient s'engager dans cette oeuvre ou celle-là. Elles pourraient être utiles pour aider ce groupe ou ce groupe. Pourquoi ne sont-elles pas plus actives? » - en disant cela, ils ne pensent qu'à l'utilité. Tout devrait être utilisé à son maximum, dans le sens où ils l'entendent.

Certains chrétiens ont eu cette même pensée envers certains serviteurs du Seigneur, qui apparemment n'en faisaient pas assez. Ils pensaient que ces serviteurs pourraient en faire bien davantage, en occupant une place plus importante dans certains milieux, pour y être plus influents. Ils seraient ainsi bien plus utiles. J'ai déjà parlé d'une soeur, que je connais depuis bien longtemps, et qui, je le pense, est celle qui m'a apporté le plus d'aide. Elle a été utilisée par le Seigneur durant toutes les années où j'ai été en contact avec elle, bien que pour certains d'entre nous, cela n'était pas si évident à l'époque. Voilà ce que je ressentais à son sujet: « Elle n'est pas utilisée! » Je me disais constamment: « Pourquoi ne sort-elle pas faire des réunions, pourquoi ne va-t-elle pas quelque part, pourquoi ne fait-elle pas quelque chose? Elle gâche son temps à vivre dans ce petit village où rien ne se passe! » Parfois lorsque j'allais la voir, je criais presque: « Personne ne connaît le Seigneur comme vous. Vous connaissez la Parole d'une façon vivante. Ne voyez-vous pas les besoins autour de vous? Pourquoi ne faîtes-vous rien? C'est une perte de temps, c'est de l'énergie gâchée, c'est une perte d'argent, tout est gâché, vous êtes juste assis ici à ne rien faire! »

Mais non, frères, ce n'est pas la chose primordiale pour le Seigneur. Il veut certainement vous utiliser vous et moi. Que Dieu me garde de prêcher l'inactivité, ou de chercher à justifier une attitude d'indifférence à l'égard des besoins du monde. Comme Jésus L'a dit Lui-même, « l'évangile sera prêché dans le monde entier. » Nous cherchons ici à comprendre ce qui est essentiel. En regardant en arrière, je réalise combien le Seigneur a, en fait, puissamment utilisé cette chère soeur pour parler à plusieurs d'entre nous, jeunes hommes, qui étaient à Son école, pour nous préparer à oeuvrer pour l'Evangile. Je ne peux pas assez remercier Dieu pour elle et pour l'influence qu'elle a eue dans ma vie.

Mais alors quel est le secret? C'est que le Seigneur Jésus en approuvant clairement l'action de Marie à Béthanie, a posé le fondement de base de tout service. Et c'est que nous Lui donnions tout ce que nous avons, tout ce que nous sommes; et² si c'est là tout ce qu'Il nous demande, c'est suffisant. La question primordiale n'est donc pas, « les pauvres » ont-ils été aidés ou non. Cela suivra, mais la première question est: le Seigneur a-t-Il été satisfait?

Nous pouvons organiser beaucoup de réunions, participer à bien des conventions, aider à l'organisation de campagnes d'évangélisation. Nous en sommes capables. Nous pourrions oeuvrer et être utilisés au maximum; mais le Seigneur n'est pas préoccupé par nos activités incessantes pour Lui. Ce n'est pas Son but premier. Le service pour le Seigneur ne peut pas être mesuré par des résultats tangibles. Non, mes amis, ce qui préoccupe le Seigneur avant tout, c'est que nous soyons à Ses pieds et que nous versions du parfum sur Sa tête. Quel que soit notre « vase d'albâtre »: la chose la plus précieuse, la chose qui nous est la plus chère dans ce monde, oui, permettez moi de le dire, même la vie qui coule de nous et qui a été produite par la Croix elle-même, nous donnons tout cela au Seigneur. Pour certains, même pour ceux qui devraient le comprendre, cela semble être du gâchis, mais c'est ce que le Seigneur cherche avant tout. Très souvent, ce don de notre personne pour Lui se traduira par un service infatigable, mais Il se réserve le droit de suspendre ce service pour un temps, afin que nous réalisions si nous sommes attachés au service ou à Lui-même.

SERVIR POUR SON PLAISIR

« Je vous le dis en vérité, partout où la bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu'elle a fait. »(Marc 14:9)

Pourquoi le Seigneur dit Il cela? Parce que c'est ce que l'Evangile doit produire. C'est le but de l'Evangile. L'Evangile n'est pas là seulement pour répondre aux besoins des pécheurs. Loué soit le Seigneur, les pécheurs seront satisfaits! Mais nous pouvons dire que leur satisfaction est un sous-produit béni de l'Evangile, et non pas son objectif premier. L'Evangile est prêché, avant tout, pour que le Seigneur soit satisfait.

J'ai peur que nous mettions trop l'accent sur le bien des pécheurs et que nous n'ayons pas assez apprécié l'objectif que le Seigneur a en vue. Nous pensons au sort des pêcheurs s'il n'y avait pas d'Evangile, mais ce n'est pas la considération essentielle. Oui, loué soit Dieu! Le pécheur a sa part. Dieu répond à ses besoins et le comble de bénédictions; mais ce n'est pas la chose la plus importante. En tout premier lieu, tout doit être fait pour la satisfaction du Fils de Dieu. Ce n'est que lorsqu'Il est satisfait que nous aussi serons satisfaits et que le pécheur sera satisfait. Je n'ai jamais rencontré une seule personne qui, ayant décidé de satisfaire le Seigneur, n'ait pas trouvé elle même sa propre satisfaction. C'est impossible. Notre satisfaction est assurée dès lors que nous Lui apportons d'abord Sa satisfaction.

Mais nous devons nous rappeler ceci, c'est qu'Il ne sera jamais satisfait s, à moins que nous ne nous « donnions » entièrement à Lui. Avez-vous jamais donné trop au Seigneur? Puis-je vous dire quelque chose? Une des leçons que certains d'entre nous avons apprise, c'est que dans le service, le principe du « gaspillage » est le principe de la puissance. Le principe qui détermine l'utilité est le principe de la dépense superflue. La réelle utilité est mesurée en termes de « gaspillage ». Plus vous pensez pouvez faire, plus vous employez vos dons pour faire quelque chose jusqu'à la dernière limite (et pour certains même au-delà de la limite!), plus vous remarquez que vous appliquez le principe du monde et non celui du Seigneur. Les voies de Dieu pour nous sont toutes prévues pour établir en nous cet autre principe, à savoir que notre service pour Lui découle de notre service envers Lui. Je ne pas dis pas que nous ne ferons rien; mais la toute première chose pour nous doit être le Seigneur Lui-même, et non Son oeuvre.

Nous devons maintenant en arriver à des questions très pratiques. Vous dites: « J'ai abandonné une position; j'ai abandonné un ministère; j'ai laissé passer certaines possibilités très intéressantes pour le futur; avec pour objectif de marcher sur le chemin du Seigneur. Maintenant j'essaie de Le servir. Parfois il semble que le Seigneur m'entend, que parfois Il me fait attendre une réponse précise. Parfois Il m'utilise, mais parfois il semble qu'Il m'ait oublié. Quand cela arrive, je me compare à cet autre frère qui s'est engagé dans une grande organisation. Lui aussi il avait un bel avenir, mais il n'y a pas renoncé. Il continue et Il sert le Seigneur. Des âmes sont sauvées et le Seigneur bénit son ministère. Il a du succès - je ne parle pas de succès matériel, mais spirituel - et parfois je pense qu'il ressemble davantage à un chrétien que moi, il semble si heureux, si satisfait. Après tout, qu'est-ce que je reçois de tout cela? Il passe des bons moments; moi je n'ai que des mauvais moments. Il n'a jamais emprunté ce chemin mais pourtant, il a beaucoup de choses que les chrétiens considèrent comme une richesse spirituelle, alors que moi, je suis assailli par toutes sortes de complications. Qu'est-ce cela signifie? Suis-je en train de gâcher ma vie? Ais je vraiment trop donné? »

Voici donc votre problème. Vous pensez que si vous aviez suivi les traces de cet autre frère, si vous vous étiez consacré assez pour être béni, mais pas assez pour supporter les problèmes, assez pour que le Seigneur vous utilise mais pas assez pour qu'Il puisse vous arrêter - tout serait parfait. En êtes-vous bien sûr? Vous savez bien qu'il n'en serait rien.

Ne regardez pas à cet autre homme! Regardez à votre Seigneur, et demandez-vous à nouveau ce qui a le plus de valeur pour Lui. Il désire que le principe du « gaspillage » soit le principe qui nous gouverne. « Elle a fait cela pour Moi. » Le coeur de Dieu est vraiment satisfait lorsque nous nous répandons sur Lui, ou comme le dit le monde, quand nous nous gaspillons pour Lui. Il semble que nous donnions trop et que nous ne recevions rien - et c'est là le secret pour plaire à Dieu.

Oh, mes amis, que recherchons-nous? Cherchons-nous à « être utiles » comme les disciples. Ils voulaient que chacun des trois cents deniers servent au maximum. Toute la question était centrée sur « l'utilité » pour Dieu, d'une façon qui puisse être mesurée et enregistrée. Le Seigneur s'attend à ce que nous disions: « Seigneur, je ne me préoccupe pas de cela. Si seulement je peux Te plaire, c'est suffisant. »

L'OINDRE A L'AVANCE

« Mais Jésus dit: Ne la troublez pas. Pourquoi lui faites-vous de la peine? Elle a fait une bonne action à mon égard; car vous avez toujours les pauvres avec vous, et vous pouvez leur faire du bien quand vous voulez, mais vous ne m'avez pas toujours. Elle a fait ce qu'elle a pu; elle a d'avance embaumé mon corps pour la sépulture. » (Marc 14:6-8)

Dans ces versets, le Seigneur Jésus introduit un facteur temps avec les mots « à l'avance », et c'est une chose qui peut s'appliquer encore aujourd'hui, parce qu'elle aussi importante pour nous maintenant qu'elle l'a été pour elle. Nous savons tous que dans les âges à venir, nous serons appelés à une oeuvre plus grande - pas à l'inactivité. Nous savons tous que « Son maître lui dit: C'est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître. » (Matthieu 25:21; à comparer avec Matthieu 24:47 et Luke 19:17). Oui il y aura une grande oeuvre, car l'oeuvre de la Maison de Dieu va continuer, tout comme, dans le récit, il fallait toujours prendre soin des pauvres. Les pauvres seront toujours avec eux, mais ils n'auront pas toujours le Seigneur avec eux. Il y a quelque chose qui est représenté par ce parfum répandue, que Marie avait à faire à l'avance car elle n'aurait pas d'autre opportunité. Je crois qu'en ce jour, nous L'aimerons tous comme nous ne l'avons jamais fait ici bas, mais pourtant il y aura une bénédiction plus grande pour ceux qui, dès aujourd'hui, se seront répandus, donnés entièrement pour le Seigneur. Quand nous Le verrons face à face, je crois que nous nous briserons comme le vase d'albâtre et que nous nous répandrons entièrement pour Lui. Mais aujourd'hui, que faisons-nous aujourd'hui?

Plusieurs jours après que Marie ait brisé le vase d'albâtre et répandu son parfum sur la tête de Jésus, quelques femmes vinrent de bon matin oindre le corps du Seigneur. L'ont-elles fait? Y sont elles parvenues, en ce premier jour de la semaine? Non, il n'y en a qu'une qui a pu oindre le Seigneur, et c'est Marie, quand elle l'a oint à l'avance. Les autres n'y sont jamais arrivées, car Il était ressuscité. Je crois que, de la même manière, cette question du temps peut être, pour nous aussi, d'une extrême importance. Et pour nous, la question primordiale est: Qu'est ce que je fais pour le Seigneur aujourd'hui?

Vos yeux ont-ils été ouverts pour voir combien est précieux Celui que nous servons? Avons-nous vu qu'Il ne mérite rien de moins que ce qu'il y a de plus beau, de plus précieux et de plus cher? Avons-nous reconnu qu'oeuvrer pour les pauvres, oeuvrer pour le bénéfice de monde, oeuvrer pour le salut des âmes et le bien éternel des pécheurs - bien que toutes ces choses soient nécessaires et importantes- n'ont de valeur que si elles sont à leur juste place? En elles-mêmes, en tant que choses, elles ne sont rien en comparaison de ce qui est fait au Seigneur, et pour le Seigneur?

Il faut que le Seigneur ouvre nos yeux sur Sa valeur. S'il existe dans le monde une oeuvre d'art de grand prix, et que je paie le prix fort qui en est demandé, que ce soit un millier, dix mille, ou même un million d'euros, est-ce que quelqu'un va me dire que c'est du gâchis? L'idée du gâchis n'apparaît dans notre Christianisme que lorsque nous sous estimons la valeur de notre Seigneur. Toute la question est: A quel point le Seigneur est-Il précieux pour nous? Si nous n'avons pas beaucoup de considération pour Lui, alors bien sûr Lui donner tout, même si c'est peu, nous semblera être du gâchis. Mais lorsqu'Il est vraiment précieux pour nos âmes, rien ne sera trop bon, rien ne sera trop grand pour Lui. Nous donnerons tout ce que nous avons, ce qui nous est le plus cher, notre trésor le plus précieux, et nous n'en éprouverons aucune honte.

Le Seigneur dit de Marie: « Elle a fait ce qu'elle a pu. » Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie qu'elle a tout donné. Elle n'a gardé aucune réserve pour les jours à venir. Elle Lui a abandonné tout ce qu'elle avait; et pourtant le matin de la résurrection, elle n'a eu aucune raison de regretter son extravagance. Et le Seigneur ne sera pas satisfait, à moins que nous n'ayons fait ce qui était en notre pouvoir. En disant cela, je parle pas ici d'une débauche d'effort et d'énergie pour essayer de faire quelque chose pour Lui, car il ne s'agit pas de cela. Ce que le Seigneur Jésus recherche, c'est une vie qui est déposée à Ses pieds, et cela en vue de Sa mort, et de Son ensevelissement, et d'un jour à venir. Son ensevelissement était déjà en vue ce jour-là, dans la maison de Béthanie. Aujourd'hui c'est son couronnement qui est en vue, lorsqu'Il sera acclamé dans la gloire comme Celui qui est Oint, le Christ de Dieu. Oui, alors, nous nous répandrons entièrement sur Lui! Mais c'est une chose précieuse - en fait c'est une chose qui Lui est précieux - que nous l'oignions maintenant, pas avec une huile matérielle mais avec quelque chose de grande valeur, quelque chose émanant de nos coeurs.

Ce qui est simplement extérieur et superficiel n'a aucune place ici. La Croix s'en est déjà occupé, et nous avons accepté le jugement de Dieu sur cela, et appris à en être détaché. Ce que Dieu nous demande maintenant est représenté par le vase d'albâtre: quelque chose qui vient du coeur, du plus profond de notre être; un trésor qui vient du Seigneur et que nous chérissons comme Marie chérissait son vase, et nous l'apportons au Seigneur, nous le brisons et le répandons et disons: « Seigneur, le voici. Il est tout à toi, parce que Tu en es digne. » - et le Seigneur obtient ce qu'Il désirait. Qu'Il puisse recevoir une telle onction de notre part aujourd'hui.

PARFUM

« Et la maison fut remplie de l'odeur du parfum. » (Jean 12:3).

Le vase d'albâtre ayant été brisé, et le parfum répandu sur le Seigneur Jésus, la maison fut remplie du plus doux des parfums. Chacun pouvait le sentir et tout le monde en était conscient. Quelle en est la signification?

Chaque fois que nous rencontrons un chrétien qui a vraiment souffert - quelqu'un qui est passé par des expériences avec le Seigneur qui ont signifié pour lui limitation, et qui, au lieu de chercher à s'en affranchir afin d'être « utile », a accepté de devenir Son prisonnier, en apprenant ainsi à trouver sa satisfaction dans le Seigneur seul et nulle part ailleurs - nous devenons immédiatement conscients de quelque chose. Nos sens spirituels détectent immédiatement un doux parfum de Christ. Quelque chose l'a brisé, quelque chose dans cette vie été brisé, et nous en sentons l'odeur. Le parfum qui a rempli la maison à Béthanie, continue de remplir l'Eglise de nos jours; le parfum de Marie ne disparaît jamais. Il a suffit d'un seul coup pour briser la vase d'albâtre, mais son action - le don sans réserve et le parfum de cette onction - demeure.

Nous parlons ici de ce que nous sommes; pas de ce que nous faisons ou de ce que nous prêchons. Peut-être avons nous demandé depuis longtemps au Seigneur de bien vouloir nous utiliser, de telle manière que nous puissions apporter aux autres quelque chose de Lui. Nous ne demandions pas dans cette prière des dons pour prêcher ou enseigner. Nous désirions plutôt pouvoir, dans nos contacts avec les autres, transmettre quelque chose de Dieu, la présence de Dieu, le sens de Dieu. Laissez-moi vous dire, chers amis, que nous ne pouvons pas transmettre aux autres une telle impression de Dieu, sans briser toutes choses, même nos possessions les plus chères, aux pieds du Seigneur Jésus.

Une fois que nous en sommes arrivés là, que nous soyons utilisés de façon extérieure ou non, Dieu va commencer à se servir de nous pour créer une faim chez les autres. Les gens sentiront Christ en vous. Même les personnes les plus inattendues le remarqueront. Ils vont sentir qu'il y a là quelqu'un qui a passé du temps avec le Seigneur, quelqu'un qui a souffert, quelqu'un qui n'est plus « libre », plus indépendant, mais qui a appris ce que veut dire Lui soumettre toute chose. Cette sorte de vie crée une impression et une impression crée une faim, et la faim pousse les hommes à chercher, jusqu'à ce qu'ils soient emmenés par une révélation divine dans la plénitude de vie en Christ. Dieu ne nous place pas ici, en premier lieu pour prêcher ou travailler pour Lui. La première chose qu'Il attend de nous, c'est que notre présence crée chez les autres une faim de Lui-même. C'est cela, en somme, qui prépare le terrain pour la prédication.

Si vous placez un délicieux gâteau devant deux personnes qui viennent juste de finir un copieux repas, quelle va être leur réaction? Ils vont en parler, admirer son apparence, discuter de la recette, évaluer son coût - tout sauf le manger! Mais s'ils ont vraiment faim, il ne faudra pas longtemps pour le gâteau ait disparu. Et il en est de même des choses de l'Esprit. Aucun réel travail ne commencera dans une vie sans qu'il ne s'y crée d'abord un besoin. Mais comment cela peut il se faire? Nous ne pouvons pas injecter de force l'appétit spirituel chez les autres; nous ne pouvons pas forcer les gens à avoir faim. Le faim doit être créée, et elle ne peut être créée chez les autres que par ceux qui portent en eux l'empreinte de Dieu.

J'aime me souvenir des paroles de cette « femme riche » de Sunem. En parlant du prophète qu'elle avait observé mais qu'elle ne connaissait pas bien, elle a dit: « Voici, je sais que cet homme qui passe toujours chez nous est un saint homme de Dieu » (2 Roi 4:9). Ce n'est pas ce qu'Elisée avait dit ou fait qui a produit cette impression, mais ce qu'il était. Alors qu'il passait chez elle, elle a senti quelque chose, elle pouvait voir. Qu'est-ce que les autres perçoivent de nous? Nous pouvons laisser toutes sortes d'impressions: nous pouvons laisser l'impression que nous sommes intelligents, que nous sommes doués, que nous sommes ceci ou cela. Mais l'impression laissée par Elisée était une impression de Dieu Lui-même.

L'impact que nous pouvons avoir sur les autres dépend d'une seule chose, de l'oeuvre de la Croix en nous pour la satisfaction du coeur de Dieu. Elle demande que je cherche Son plaisir, que je cherche à Le satisfaire Lui seul, sans s'inquiéter de ce que cela coûtera. La soeur dont je vous ai parlé s'est trouvée un jour dans une situation très difficile pour elle, qui allait lui coûter ce qu'elle avait de plus cher. J'étais avec elle à ce moment là, et ensemble nous nous sommes agenouillés, et avons prié avec des larmes dans les yeux. Regardant en haut, elle a dit: « Seigneur, je suis prête à briser mon coeur pour que Ton coeur soit satisfait! » Pour beaucoup d'entre nous, parler de briser notre coeur peut être un sentiment romantique, mais dans la situation particulière dans laquelle elle était, c'est vraiment cela.

Il doit se passer quelque chose - il faut être prêt à Lui soumettre notre volonté, à nous briser et à répandre toutes choses devant Lui - pour que le parfum de Christ soit libéré et que d'autres vies prennent ainsi conscience de leur besoin de chercher et connaître le Seigneur. C'est ce qui me semble être au coeur de toutes choses. L'Evangile a pour objectif de produire en nous, pécheurs, une disposition qui satisfera le coeur de Dieu. Pour qu'Il puisse obtenir cela, nous venons à Lui avec tout ce que nous avons, tout ce que nous sommes - oui, même les choses que nous chérissons le plus, même dans notre expérience spirituelle- et nous Lui disons: « Seigneur, je suis prêt à laisser toutes ces choses pour Toi: pas seulement pour Ton oeuvre, pas pour Tes enfants, pas pour autre chose, mais seulement et uniquement pour Toi! »

Oh, se gaspiller ainsi pour Lui! C'est une chose bénie que de se gaspiller pour le Seigneur. Tant de personnes éminentes dans le monde chrétien ne connaissent rien de cela. Beaucoup d'entre nous ont été utilisés entièrement - je dirais même trop utilisés - mais nous ne savons pas ce que signifie « se gaspiller » pour Dieu. Nous aimons être toujours « sur la route », mais le Seigneur nous préfère parfois en prison. Nous voyons les choses en termes de voyages apostoliques: mais le Seigneur permet parfois que ses plus grands ambassadeurs soient dans les chaînes.

« Grâces soient rendues à Dieu, qui nous fait toujours triompher en Christ, et qui répand par nous en tout lieu l'odeur de sa connaissance! » (2 Cor. 2:14)

« Marie, ayant pris une livre d'un parfum de nard pur de grand prix, oignit les pieds de Jésus, et elle lui essuya les pieds avec ses cheveux; et la maison fut remplie de l'odeur du parfum. » (Jean 12:3)

Que le Seigneur nous fasse la grâce d'apprendre à Lui être agréable. Lorsque, comme Paul, nous ferons de cela notre objectif suprême (2 Cor. 5:9), l'Evangile aura atteint son but.

(1)L'auteur prend ici l'option communément retenue que la « maison de Simon le lépreux » était la maison de Marie, Marte et Lazare, Simon pouvant avoir été un parent des deux soeurs. -Ed. [retour]