LA VIE ET LA MORT
Par Théodore Austin-Sparks

I - L'intrusion de la mort

« Car l'amour de Christ nous presse étant persuadés que si un seul est mort pour tous, tous donc sont morts; et Il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux- mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux. C'est pourquoi, dès maintenant, nous ne connaissons personne selon la chair; si même nous avons connu Christ selon la chair, maintenant, nous ne le connaissons plus ainsi. Si donc quelque un est en Christ, il est une créature nouvelle; les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. Or, toutes ces choses viennent de Dieu qui nous a réconciliés avec Lui par Jésus-Christ, et qui nous a confié le ministère de la réconciliation. » (II Corinthiens 5:14-18)

Tentons d'expliquer le sens et la signification de ce passage. La Bible enseigne que la mort n'a jamais été naturelle et n'appartenait pas à l'ordre naturel de la création. Il n'était pas question qu'au bout d'un certain temps l'homme ou la nature devait mourir; au contraire. La mort était une sorte d'invasion, celle d'un ennemi envahisseur. Elle est toujours considérée comme telle car elle n'avait pas droit à l'existence. Au tréfonds de soi, la mort est révoltante, quelque chose du genre: « Elle est fausse, elle ne devrait pas être. La Bible enseigne que la mort est un envahisseur qui s‘est introduite mais ne devrait pas être là; elle est une intruse dans la création divine. » Mais la Bible révèle aussi clairement et sans ambiguïté un état immortel (exempt de mort) dont l'aiguillon, qui est le péché, a été éradiqué, arraché pour donner un état immortel. Dans le Nouveau Testament, il est parlé de « vie éternelle », une traduction imparfaite de ce dont il s'agit au juste, car cette expression renferme plus une idée de durée qu'un état naturel. Revenons sur ce point: la Bible montre qu'il existe un état de vie, dépourvu de mort, indéfini, sans durée, une vie de gloire. On peut considérer la gloire triomphante face à la mort, telle la montée triomphante d'un enfant de Dieu vers le ciel, mais la mort en elle-même n'a rien de glorieuse. Nous trouvons la gloire dans l'absence de mort et cette vie immortelle dont parle la Bible, est une vie de gloire dans son essence, dans sa nature: elle contient tout le potentiel de gloire et de glorification.

La Bible traite de deux aspects de cette question, et il nous faut revenir un instant sur le premier. Dieu devait pour ainsi dire créer la tombe pour tout ce qui avait été envahi par la mort. Les tombes ont toujours signifié la fin d'un certain ordre, d'une certaine forme, d'une certaine création. Chaque tombe marque la fin de quelque chose, la fin de ce en quoi la mort a pris sa racine et sa place, en quoi elle a établi son emprise et sa domination. Nous découvrons qu'en fait les tombes avaient leur justification et leur raison d'être depuis le commencement: elles sont individuelles la plupart du temps et montrent que tel ou tel a été enseveli et enterré, ce qui constitue une répétition bien monotone. Mais il y a aussi de très grandes tombes où beaucoup de personnes ont été jetées en même temps. Le déluge des temps de Noé fut une de ces tombes voulues par Dieu, le type même de la vérité du péché qui produit la mort. La mort a donc besoin d'une tombe où quelque chose et quelque un doivent être mis à l'écart et enterrés à jamais!

Souvenons nous que la mort ne commence pas avec le corps et le phénomène physique. La mort est avant tout spirituelle: l'aspect corporel et physique de notre existence ici sur la terre, n'est que l'aboutissement final de l'oeuvre de la mort en nous. Mais, la mort a commencé bien avant cela, elle est premièrement spirituelle. Sa nature est simplement la séparation avec Dieu (une relation rompue); Dès que cela s'est produit, c'est la mort. En étant conscient de cette réalité, nous réalisons quelque chose de bien plus effroyable que la mort physique. A vrai dire, des gens ont cherché à provoquer leur mort physique en espérant pouvoir anéantir leur conscience d'être séparé d'avec Dieu, lorsque cette relation rompue s‘est relevée à eux en surgissant dans leur esprit.

Devenir pleinement conscient d'une réalité existante en chacun de nous, lorsque nous sommes sans Christ (loin de Lui), coupé de sa communion, sans espérance, alors on comprend que la mort est quelque chose d'horrible. A moins que Dieu intervienne, cette situation est tragique et désespérée: rien d'autre qu'une séparation éternelle où lorsqu'on comprend que cette séparation est immuable, c'est quelque chose d'effroyable. Seul Dieu peut y faire face. Nous savons très bien que dans le domaine physique, l'homme, malgré toutes ses inventions et instruments de recherche et d'investigations, n'a en fin de compte aucun pouvoir de contrer et de vaincre la mort. Quand c'est le moment de mourir, rien ne peut y changer, nous sommes contraints de nous incliner et de nous y soumettre. Seule une intervention du Dieu Tout Puissant peut directement changer la situation et y amener l'espérance.

II - L'intervention de Dieu

Ceci nous conduit à considérer un autre aspect: Dieu est intervenu. C'est l'Evangile: ce mot nous est si familier qu'il en a perdu toute sa portée, son sens et sa force. Nous pensons que seuls les prédicateurs parlent d'un tel sujet. A l'origine, l'Evangile comportait une toute autre signification: le temps où Dieu agit, la Bonne Nouvelle de Dieu; et il faut souvent être dans une position tragique ou désespérée pour apprécier ce qu'est une bonne nouvelle; Si nous reconnaissons que notre situation est désespérée, nous sommes prêts à recevoir une bonne nouvelle. La bonne nouvelle de Dieu c'est son intervention dans une situation sans espoir. Dieu n'envoie ni un ange ni un archange, Il est venu Lui-même, incarné dans la personne de Son Fils Jésus-Christ et Il est intervenu là où régnait une situation tragique et désespérée.

Suivons de très près ce que nous lisons: « Un seul est mort pour tous ». Un seul est entré là où nous étions tous. Lui-même sans péché, en qui il n'y avait aucun aiguillon de mort, celui du péché, Lui sur qui la mort n'avait aucun pouvoir quelconque, lui qui par sa prérogative d'être sans péché, ne pouvait donc être atteint par la mort et encore moins être retenu par elle, Lui-même est entré en scène, sans avoir connu le péché Il s'est fait péché à notre place, et par le fait d'être sans péché et d'être fait péché pour nous, Il a connu ce qui cause le péché et enduré la mort à cause du péché à notre place. Il est mort en notre lieu et place comme un pécheur sur qui étaient portés nos péchés et nos transgressions. Il est mort de notre mort, Il a porté le jugement et la condamnation du péché à notre place. Au moment de vivre notre condition, bien au-delà de la prise de conscience que nous avons, il Lui a été donné pour un temps éternel, de réaliser avec effroi ce qu'est la mort et être abandonné de Dieu, quand Il s'est écrié dans Marc 15:84. Il a pris pleinement conscience du vrai sens de la mort et vivre cela un instant, c'est atteindre l'éternité, car Il a pris conscience de la séparation d'avec Son Père. Nous n'avons pas connu une telle expérience et nous n'en avons nul besoin, par la grâce de Dieu. Il a connu cette séparation et cet abandon, à notre place

Le passage de II Corinthiens 5:13 montre clairement la réalité de la vie après la mort, la résurrection des morts. Laissons de côté l'aspect physique de cette mort et considérons son aspect spirituel de cette résurrection.

« Il a déployé cette puissance dans toute sa force, en la faisant agir dans le Christ lorsqu'il l'a ressuscité d'entre les morts et l'a fait siéger à sa droite dans le monde céleste. » (Ephésiens 1:20)

Cette position de Christ sur la Croix veut dire que Dieu a placé un seul comme représentant inclusif de beaucoup. Il est le symbole même, le premier né, les prémisses, le prédécesseur de beaucoup de gens qui veulent et peuvent entrer dans cette position bénie de libération et de délivrance du pouvoir de la mort, à cause de la libération de la condamnation du péché. Il est placé comme le représentant unique de tous. L'intervention de Dieu en Christ, en le plaçant à sa droite et en le ressuscitant des morts, a fait naître une espérance d'éternité en lieu et place de ce désespoir tragique qui était le nôtre.

Reconnaissez donc, chers amis, la grâce infinie de Dieu qui nous est faite dans les temps que nous vivons; Dieu nous proclame des faits, des vérités; Il ne pouvait néanmoins nous faire comprendre ces vérités dans leur totalité. Si nous devions réaliser en pleine connaissance ces vérités sans avoir Christ en nous, nous deviendrions fous à lier, quelque chose risquerait de se produire: acte de désespoir, tentative de suicide, situation insupportable. Dans sa compassion et sa clémence, Dieu ne le permet pas et nous sommes épargnés. Quand Il parle, dans Matthieu 13, de ténèbres où il y a des pleurs, des gémissements et des grincements de dents, Il sait de quoi Il nous parle: c‘est prendre conscience d'un total désespoir. Mais, c'est là le point obscur du tableau: dans Sa grâce et Sa miséricorde, Dieu dit que nous n'avons pas besoin de connaître cela, mais il est intervenu pour nous épargner le tourment, non seulement nous épargner l'horreur d'un tel destin de désespoir, de ténèbres et d'enfer, mais pour nous sauver et nous assurer le gloire et la vie éternelles, qui dans son plein accomplissement nous réserve la gloire pour l'esprit et pour le corps, un corps glorifié par la puissance d'une telle Vie, qui ignore la mort. Il est intervenu pour nous assurer l'héritage qu'Il voulait pour nous dès le commencement, mais que le péché d'Adam nous a fait perdre par l'intrusion de la mort en nous. Dieu a totalement traité et résolu le problème, en rendant possible la réalisation de cette espérance glorieuse.

« Dans son grand amour Il nous a fait naître à une vie nouvelle, grâce à la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour nous donner une espérance vivante. Car il a préparé pour nous un héritage qui ne peut ni se détruire ni se corrompre, ni perdre sa beauté. Il le tient en réserve pour vous dans les cieux... » (I Pierre 1:3-4)

Ce passage déjà nous le fait bien comprendre.

Quel est le point situé entre les deux positions ? L'horrible tombe d'un côté et nous de l'autre côté: cette tombe est là sur notre chemin, pas seulement la tombe de notre mère, la terre, mais l'horrible tombe, celle que Dieu a dû creuser pour une nouvelle création, la tombe de cette affreuse mort, cette tombe qui spirituellement est un passage à franchir pour nous amener à un éveil qu'il nous est impossible de contempler. Nous sommes là et sur notre chemin se situe cette tombe, mais entre elle et nous se dresse une Croix, deux bras étendus pour sauver et protéger notre route de cette tombe éternelle, une Croix sur laquelle le Prince de gloire est mort, Lui qui a enduré les conséquences du péché et en a souffert jusqu'à la prise de conscience totale et effroyable de l'abandon de Dieu. Cette Croix pour nous, c'est tout l'Evangile, la Bonne Nouvelle du salut.

III - L'affirmation urgente et capitale de notre foi

Pour nous, la chose concrète à faire est simple, si simple que nombreux sont ceux qui y achoppent sans arriver à la faire, et le Grand Ennemi cherchant à nous retenir sous son emprise et sous l'étreinte du péché et de la mort, se dresse avec tout son pouvoir et sa ruse pour nous empêcher d'accomplir cet acte. Quel est-il ? Celui d'affirmer, de déclarer que seul ce chemin nous conduit de la mort à la vie et de la terreur à la gloire; C'est l'affirmation de notre part que Sa mort était notre mort, le péché porté par Lui est notre péché, que la séparation de la présence de Dieu qu'Il a vécue, était aussi la nôtre. Nous étions là dans la pensée, dans l'esprit de Dieu. Quand Christ est mort, nous étions là. Il est mort à notre place à tous, c'est ce que Dieu affirme. Dans cette mort, notre péché, l'aiguillon véritable de la mort, a été éradiqué et détruit. Dans sa résurrection, nos péchés ont été éloignés de la vision de Dieu, Christ étant sans péché, débarrassé du péché et n'en portant aucune trace, nos péchés ont été ôtés. Nous ne sommes plus sous le pouvoir de la mort, car plus jamais placés sous le jugement de la condamnation du péché. Nous sommes ainsi justifiés (rendus justes) à travers sa résurrection. Il vit pour notre justification et nous sommes libérés par Dieu qui nous donne la Vie éternelle, don gratuit de Dieu (Romains 6:23); Nous entrons ainsi en possession de cette grâce, semence de cette gloire à venir. Cette dernière n'est pas dans notre chair, mais dans un corps glorifié que nous verrons Dieu (Job 19:26). Le corps de cette humiliation sera changé, mué, transformé dans un corps de gloire (Philippiens 3:21). Alors on dira: « Ô mort, où est ta victoire ? Où est ton aiguillon ? L'aiguillon de la mort, c'est le péché et le péché tire sa force de la Loi. Mais loué soit Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ ! » (I Corinthiens 15:55-57)

Nous proclamons les choses sous deux aspects opposés, celui de la mort et celui de la résurrection, et dans cette double position, nous entrons là où nous ne sommes plus sous la condamnation, sous un désespoir, mais nous sommes justifiés avec la perspective de la gloire éternelle.

IV - L'affirmation pratique de notre foi

Le nouveau Testament révèle bien la manière dont notre foi s'exprime: c'est le baptême. Le moyen ne donne pas le résultat. Le moyen ne nous fait pas passer de la mort à la vie, du désespoir à l'espérance, mais c'est le moyen choisi par Dieu de donner à notre foi une valeur pratique et concrète. En pénétrant dans l'eau, nous proclamons et nous affirmons être passés de la mort à la vie. D'une part, nous nous sommes identifiés à ce fils de l'Homme condamné, jugé, crucifié et meurtri. D'autre part, nous voyons que Lui dans la gloire est là présent pour nous et même plus encore, semblable à nous et nous sommes assurément avec Lui. Le baptême est un geste pratique: il ne sauve pas, mais si le Seigneur l'a institué, c'est qu'il apporte quelque chose comme une bénédiction, et ceux qui sont passés par là savent bien que cet acte comporte une réelle bénédiction.

C'est là le glorieux Evangile qui change les ténèbres du désespoir en lumière, la honte en gloire, le sentiment de désespoir en perspective la plus glorieuse qui soit!