« DITES A ARCHIPPE »
par Chip Brogden

« Et dites à Archippe: Prends garde au ministère que tu as reçu dans le Seigneur, afin de le bien remplir... Souvenez-vous de mes liens.» (Colossiens 4:17,18ss)

Ce message personnel à la fin de la lettre de Paul aux Colossiens vaut la peine que l'on s'y arrête quelques instants. Quelqu'un trouvera peut-être dans cette parole d'exhortation à Archippe une application pratique pour sa propre situation.

Le ministère (comme les Ecritures l'entendent) n'était pas, et n'est pas, une position privilégiée ou une distinction de classe. Il n'a jamais eu pour objectif de devenir une profession à laquelle on devrait aspirer et se préparer comme se prépare pour devenir médecin ou avocat.

Mais la situation d'aujourd'hui est très différente de celle du temps de Paul. Dans « l'Eglisianisme » d'aujourd'hui, le ministère est souvent synonyme de position, de titre, de rang, de privilège spécial, mais l'aspect le plus convoité est la rémunération financière qui y est souvent attachée. Malheureusement cet état d'esprit n'est pas un phénomène propre au vingtième siècle. Au cours du deuxième siècle, l'église post-apostolique commença déjà à se diviser en deux groupes, d'un coté les « ministres », de l'autre les « gens du peuple ». Moins de cent ans après la mort du dernier apôtre, après seulement une ou deux générations, le sacerdoce des croyants commença à disparaître au profit d'une distinction entre clergé et laïcs qui a continué jusqu'à nos jours.

Le message dispensé aux masses est que les ministres sont des gens spéciaux qui doivent être différenciés des laïcs. Certains ministres qui sont dans les hauteurs de la hiérarchie sont mêmes considérés comme plus importants que d'autres. Parce que nous avons accepté que des ministres reçoivent des traitements spéciaux, les gens qui aspirent aux traitements de faveur sont les plus attirées par les ministères proposés dans la Religion Organisée.

La situation dans l'Eglise Primitive était bien différente. A cette époque, répondre à l'appel du ministère c'était accepter la souffrance, les difficultés et une mort possible. Leur exemple était Jésus, le Serviteur Souffrant, ils reconnaissaient que le disciple n'était pas supérieur à Son Maître, ils en évaluaient le coût et n'entraient pas dans le ministère dans le but de se servir eux-mêmes.

Quelqu'un comme Archippe avait besoin d'être encouragé pour accomplir le ministère que Dieu lui avait confié. Pourquoi? Parce que ce n'est pas quelque chose que l'on pouvait poursuivre de son plein gré. Dans l'Eglise Primitive, les gens ne poursuivaient pas le ministère, c'est le ministère qui les poursuivait. Le Ministère n'était pas organisé de façon hiérarchique, et il offrait peu, sinon rien, en termes de récompenses financières ou matérielles.

C'est sûrement pour cela qu'à cette époque, la Moisson était prête, mais qu'il y avait si peu d'ouvriers. Aujourd'hui les ouvriers, qui se sont souvent désignés eux-mêmes, sont si nombreux qu'ils piétinent la Moisson. Le clergé professionnel et son attitude est devenu un handicap pour le Seigneur de la Moisson, plutôt qu'un avantage. Ils sont un obstacle à la Moisson au lieu d'être une aide, et aujourd'hui, au lieu de prier pour que davantage d'ouvriers viennent, nous devrions plutôt prier pour que certains se retirent et s'assoient aux pieds du Seigneur pendant quelque temps.

Pour Archippe, il ne s'agissait pas de faire apparaître quelque chose, de créer un ministère là où il n'y en avait pas, de commencer une église, ou de s'oindre lui-même pour faire ce qu'il avait envie. Il avait déjà reçu un ministère du Seigneur. Nous n'avons aucune possibilité de connaître la nature précise de son ministère, et ce qu'il était appelé à faire. Il est possible qu'à nos yeux cela soit quelque chose de grand et de noble. Il semble plus certain que ce soit quelque chose qui nous paraîtrait petit et insignifiant.

Tout ce que nous savons avec certitude est qu'Archippe avait reçu un ministère de la part du Seigneur, et qu'à ce moment là, il ne l'avait pas encore complètement accompli. Archippe le savait, Paul le savait, et à Colosses, tout le monde le savait. Il était appelé à quelque chose, et avait reçu quelque chose du Seigneur, mais c'était en sommeil, stagnant, inerte, en attente d'être utilisé. Combien il est étrange de voir que ce sont les gens qui n'ont rien à dire qui prêchent le plus souvent; ils sont démangés par l'envie de prêcher et d'être sur l'estrade - alors que ceux qui ont réellement une contribution à apporter ont besoin d'être poussés et encouragés à partager leur sagesse. C'est peut-être un rempart contre la fierté, l'arrogance, et la haute estime de soi qui tentent régulièrement et contaminent souvent ceux qui ont vu et entendu quelque chose de la part du Seigneur, ou qui simplement le croient.

Moïse connaissait quelque chose quant à la réticence à aller de l'avant. L'oeuvre de la Croix était si profonde en lui qu'il supplia Dieu d'envoyer quelqu'un d'autre. Ce type d'humilité et cet abaissement est admirable, et est de loin préférable à quelqu'un qui est trop sûr de lui; mais si nous persistons jusqu'à un certain point alors nos protestations deviennent une fausse expression d'humilité et une réelle désobéissance. Quand Moïse a persisté dans sa réticence à aller, Dieu s'est mis en colère contre lui parce que son humilité était allée au-delà du raisonnable et était presque devenue de la peur. Une personne réellement humble n'est pas pour ou contre l'action. Elle est indifférente à cette chose, et n'est préoccupée que par ce que Dieu veut qu'Il fasse, que cela soit agréable ou non.

De la même manière, Timothée a dû être encouragé par Paul. « Ranime le don de Dieu que tu as reçu par l'imposition de mes mains. Car ce n'est pas un esprit de peur... N'aie donc point honte du témoignage à rendre à notre Seigneur » (2 Timothée 1:6-8ss). Paul ne dit pas à Timothée de prier en attendant une meilleure opportunité, ou d'attendre passivement que Dieu se manifeste à lui et l'enveloppe. Timothée avait besoin d'exercer son don. Il avait besoin de le ranimer. Il avait quelque chose à offrir, quelque chose à apporter. L'exhortation de Paul n'était pas de persister dans une fausse humilité ou dans une attente passive, mais d'être proactif, de ranimer son don et de servir le Corps de Christ en tant que fidèle gérant. Selon Paul, ce n'était pas un esprit d'humilité qui retenait Timothée, c'était un esprit de peur.

Archippe, tout comme Moïse et Timothée, avait besoin d'être poussé et encouragé. Archippe savait qu'il y avait un appel sur sa vie, et il savait qu'il avait reçu un ministère de la part du Seigneur. Même s'il était content de vivre dans l'ombre, Paul ne lui a pas permis de continuer à ignorer l'appel de Dieu sans lui adresser quelques paroles de rappel, de correction, d'encouragement à prendre garde, il a ainsi veillé à ce que son appel s'accomplisse.

Il y en a certains qui, loin de rechercher le ministère pour leur seule ambition personnelle, se contentent d'attendre passivement que Dieu fasse tout au moment où Il le trouvera opportun. Ils ne feront rien pour empêcher cela, mais ils ne feront rien non plus pour que cela arrive. Même si dans une certaine mesure, c'est préférable à l'empressement de ceux qui sont si ambitieux, leur véritable motivation est certainement la timidité et la peur. Une fois qu'une personne a reçu son ministère du Seigneur, l'attente humble et patiente est terminée pour lui. Il y eut un temps où Paul s'est retiré dans le désert d'Arabie pour être seul avec les Ecritures et attendre humblement une direction précise, mais quand l'Esprit l'a finalement envoyé, il est allé sans hésitation, et sans réserve.

Maintenant Paul dit à son co-ouvrier Archippe, « Prends garde au ministère que tu as reçu dans le Seigneur, afin de bien le remplir.» Il doit être accompli par quelqu'un, et celui qui doit l'accomplir est celui qui l'a reçu. Vous ne pouvez pas accomplir le ministère que j'ai reçu du Seigneur, et vous ne pouvez pas me dire comment l'accomplir. De la même manière, je ne peux pas accomplir le ministère que vous avez reçu du Seigneur, et je ne peux pas vous dire comment l'accomplir. Paul n'a pas dit à Archippe ou à Timothée comment accomplir le ministère qu'ils ont reçu. Son conseil était très sage: ranime le Don, fais attention à ce que tu as reçu du Seigneur, et l'Esprit te montrera comment continuer. Mais tu dois continuer, ne l'enterre pas dans la terre comme un serviteur négligeant, mais investit dans le Corps de Christ maintenant.

Nous ne voulons pas insinuer que des méthodes charnelles peuvent être utilisées pour accomplir le ministère, mais il doit être accompli - pas par la puissance ou la force de celui qui a été appelé, mais par le même Esprit du Seigneur Qui a lancé l'appel. Ceux qui ont reçu un ministère de la part du Seigneur doivent Le rechercher activement pour savoir comment, quand et où accomplir ce ministère (ce qui implique que nous comprenions ce qu'est le ministère, et ce qu'il n'est pas). Une fois que quelque chose est donné de la part du Seigneur, cela devient une charge sacrée et une sainte responsabilité pour celui qui l'a reçue.

Si tous les frères et soeurs en Christ prenaient à coeur le ministère qu'ils ont reçu de la part du Seigneur, et qu'ils l'accomplissaient, nous n'aurions plus du tout besoin d'un clergé professionnel. Il devrait être évident pour chacun que le manque de volonté des membres du Corps de Christ de répondre à leur appel individuel a créé un vide dans le sacerdoce de tous les croyants, vide que d'autres sont impatients de combler au moyen d'une hiérarchie imposante. En toute justice, on devrait aussi reconnaître que beaucoup de « laïcs » sont bien contents de rester « laïcs », et préfèrent avoir un Moïse qui grimpe sur la montagne à leur place et leur donne une parole de la part de Dieu chaque semaine. Ils peuvent l'appeler « église », mais ce n'est rien de plus qu'un culte charnel de co-dépendance, un endroit où des conducteurs aveugles peuvent exercer leur capacité de leader sur des membres aveugles qui les suivent. Qu'il n'en soit jamais ainsi avec l'Ekklesia du Seigneur.

Pour ceux qui ressentent les mêmes sentiments qu'Archippe, l'admonestation finale de Paul est: « Rappel-toi de mes chaînes. » Et cette dernière parole, qui suit immédiatement l'exhortation d'accomplir ce que Dieu l'a appelé à faire, est un rappel très important de ce que Paul a souffert à cause de son ministère. Suivre son propre conseil lui a coûté sa vie. Il n'était pas sensible aux costumes italiens, aux montres Rolex, aux voitures, aux jets privés, aux maisons; mais tout comme Son Maître, il a embrassé la Croix et est mort chaque jour pour que d'autres puissent vivre. Son ministère était caractérisé par un renoncement à lui-même, et non par de l'indulgence envers lui-même.

Archippe n'est mentionné qu'une fois de plus dans les Ecritures. Quelques années plus tard, alors qu'il écrit à Philémon, Paul envoie ses salutations à « Archippe, notre compagnon d'arme » (Philémon 2). Si Paul le salue en tant que compagnon d'arme, c'est qu'Archippe a sûrement dû suivre son exhortation d'accomplir l'oeuvre que Dieu l'avait appelé à faire. Il était en train de combattre dans les tranchées, pas en train de critiquer de l'arrière. Je prie que tous ceux qui ont reçu quelque chose de la part du Seigneur fassent attention à cela, et qu'ils accomplissent l'oeuvre de Dieu d'une façon qui donne gloire, et non déshonneur, à l'Oeuvre du Seigneur.